Pourquoi Macron et Le Pen passent-t-il à travers les gouttes ? Un regard depuis Washington. Après plus d’une semaine de concentration médiatique sur l’affaire Fillon, on peut se demander si son traitement est bien équitable. Le champion de la droite a certes été pris en flagrant délit de népotisme, étant soupçonné d’avoir fourni un emploi fictif à son épouse. Chaque numéro du Canard apporte son lot de chiffres qui donnent le tournis. Je ne vais pas reprendre la défense de Fillon, il est capable de le faire lui-même comme il l’a démontré il y a deux jours. Je tiens simplement à souligner qu’au milieu de ce matraquage, deux sont épargnés, alors que les affaires qui pèsent contre eux ont le même potentiel destructeur. Emmanuel Macron a été accusé par Philippe Vigier et Christian Jacob d’avoir détourné 120 000 euros de Bercy pour financer sa campagne. Le parquet national financier n’a pourtant pas ouvert d’enquête. La différence majeure entre les soupçons portant sur les deux candidats est le nombre d’articles parus dans la presse. Quant à madame Le Pen, elle refuse de rembourser au Parlement Européen 300 000 euros qu’elle a utilisés pour payer son assistante parlementaire, dont l’emploi au Parlement était bel et bien fictif, alors qu’il était réel au sein du Front National ! Pourquoi une telle différence de traitement médiatique entre les trois principaux protagonistes de la présidentielle française ? D’après moi c’est avant tout dû au fait que l’image qu’ils renvoient à leurs électeurs n’est pas la même. François Fillon a été désigné lors de la primaire de la droite et du centre sous l’image de l’honnêteté, de la dureté, du changement. C’est cette image qui a été écornée par l’affaire, l’image d’un homme honnête, remplacée par la déception du népotisme et le dégoût face à celui que l’on pensait valoir mieux que ça. La raison pour laquelle sa conférence de presse a pu être efficace, c’est aussi parce que le François Fillon qui est apparu à la tribune était celui qui a été élu : solide face à la difficulté, ferme dans son discours, persuadé de son honnêteté, transparent face á son électorat, acceptant la responsabilité. Les semaines qui viennent diront si cet exercice a été efficace. Mais prenons le cas d’Emmanuel Macron, qui ne subit certainement pas un tel acharnement. Une preuve ? Tapez Macron sur Google Actualités, vous trouverez certainement des articles sur son orientation sexuelle présumée et ses traits d’esprit plutôt que sur un programme économique chiffré ou une quelconque affaire de financement. Emmanuel Macron ne s’est jamais donné l’image d’un honnête homme. Ça ne l’intéresse pas. Emmanuel Macron c’est l’ami des entreprises innovantes, le Wonderboy de la Silicon Valley. C’est presque le Steve Jobs de la politique française ! Et on suppose que ces entrepreneurs ont bien dû perpétrer quelques coups fourrés pour réussir, alors on passe… Son image est liée à sa jeunesse, son entrain, il se brise la voix sur des promesses et prépare des lendemains qui chantent. J’ironise un peu mais les ressorts de sa campagne sont bien là : ringardiser tout le monde, incarner l’innovation disruptive d’une France qui entreprend, profiter de sa dynamique pour emporter l’élection présidentielle et on verra plus tard. Et si des soupçons pèsent sur lui, tant pis, ça fait partie de la politique. Quant à Marine Le Pen, qui songerait même à l’inquiéter sur ces sujets-là ? Voler de l’argent à l’Europe ? Mais c’est le geste antisystème absolu ! Voler à ceux qui nous exploitent mais quelle bonne idée ! Le détournement des fonds du système des nantis pour nourrir ceux qui souffrent de l’asservissement à une Union Européenne qui n’écoute plus rien. C’est Robin des Bois, c’est le génie fait femme, c’est une sublime ironie renvoyée au nez de ceux qui volent au vrai peuple depuis tant d’années. C’est illégal ? Tant pis, ça fait partie de la politique. Ok, ça fait partie de la politique. Entre soupçons et affaires avérées, il est tout de même un élément qu’on ne regarde plus depuis plus d’une semaine, et qui est celui des programmes. Le programme politique est le fondement de l’action publique et doit normalement guider celui qui le met en place. Alors passage en revue : Marine Le Pen : Le FN détaille dans 144 points un programme national sur le plan social, l’accent étant mis sur la sécurité et la lutte contre l’islamisme. Au plan économique, le programme est carrément interventionniste, avec des propositions telles que des plans de réindustrialisation, des partenariats public-privés et des subventions à la production, avec une bonne louche de protectionnisme en plus. National au niveau social, socialiste au niveau économique, on sait ce qu’on obtient quand on associe les deux. Emmanuel Macron : Rien. Il n’a pas publié son programme, et il est difficile de déduire de ses interventions ce qu’il compte réellement faire. Si on se base sur des données objectives pour connaître la France de demain, on ne sait pas ce qu’il nous prépare. Cela va changer, mais son programme sera au mieux improvisé. François Fillon : Ça fait quatre ans qu’il peaufine un programme auquel il a associé des français de tous milieux. Même François Hollande a convenu que son programme était le plus sensé de tous les candidats à la primaire. Son programme est libéral. A bien des égards, il est dur. Il est économe et part du postulat que la France ne va pas bien, et que les réponses à apporter aux difficultés qu’elle traverse passent par la restructuration du marché du travail. Ce programme est capable de redresser le pays. Certains peuvent ne pas y croire, d’autres penser qu’il est trop brutal. Ce n’est pas le cas des millions de français qui ont voté pour François Fillon à la primaire. S’il y a un message que j’aimerais faire passer, c’est celui du vote pour un programme. Les médias ont eu tendance à se centrer sur des hommes et des femmes, qui ont leurs limites et leurs défauts comme chacun d’entre nous. Mais ces hommes et femmes, s’ils sont élus, ne gouverneront pas seuls et leur programme sera le guide de leur action. Alors lisez les programmes, s’ils sont disponibles, informez-vous sur la France et le monde que les candidats veulent construire. Car je sais que même si François Fillon se révélait demain être Jack l’éventreur, c’est toujours pour son programme que je voterai en mai !